Pour lire dans un caillou, il faut l’ouvrir comme un livre

Voilà un nouveau caillou pour vous

Eh ben comme caillou il se pose là! on dirait une « merda de can »!

C’est vrai on pourrait penser avoir affaire à un coprolithe (un fossile d’excrément). Mais il ne s’agit pas de ça. Comme pour bien des choses la beauté est cachée et il faut aller voir dans le caillou. Ouvrons le comme on ouvre un livre et lisons comme dans un livre ouvert.

Hmmm pas très engageant. Il y a un trou au milieu d’une masse maronnasse Bon il y a bien ces zones claires qui flattent l’œil, mais c’est tout.

C’est vrai on pourrait être un peu déçu, pourtant la cavité est une géode dans laquelle on peut voir des petits cristaux de quartz. Les zones claires sont de l’agathe. Une forme non cristallisée de la silice (le quartz est aussi de la silice mais il forme des cristaux). Voilà quelque chose qui suscite l’intérêt et encourage à ouvrir d’autres cailloux du même acabit

Ahhhh voilà un livre, pardon un caillou plus esthétique. Et on reconnait bien l’agathe; d’ailleurs elle est cerclée par un liséré rouge qui la met en valeur. Mais quelle histoire cela nous raconte-t-il?

Ouvrons en un autre!

On retrouve le liseré rouge qui entoure la cavité. Celle-ci est remplie de cristaux de quartz, ces petits pointements blancs transparents. On voit des petits points rouges également, c’est quoi?

Allons voir de plus près

Ohhh on voit les cristaux de quartz, et des petites billes rouges dans ces cristaux, On dirait des petits ballons crevés… Certains de ces ballons sont complètement inclus dans le quartz et restent entiers, comment ça se fait?

Pour bien comprendre regardons du plus près possible

Voilà le quartz, qui est un minéral, a poussé dans la cavité cerclée de rouge. Au cours de sa croissance il a englobé de petites billes de cette matière rouge qui constitue le liseré marquant la cavité. Plus que de billes il serait mieux de parler de bulles. Certaines sont totalement englobées dans le quartz, d’autres partiellement. Celles qui ne sont pas totalement incluses ont perdu toute la partie située hors du cristal de quartz.

Alors l’histoire de tout cela?

Les cailloux que nous observons sont des lithophyses qu’on peut trouver dans l’Esterel, ce petit massif volcanique entre Mandelieu et Saint-Raphaël. Et oui ce sont bien les restes de volcans, en fait les restes de coulées de laves issus de volcans, le tout formant ce célèbre massif aux couleurs rouges (tient on parle beaucoup de rouge…).

A la base de certaines de ces coulées de lave on trouve des structures sphériques, ce sont les lithophyses dont nous parlons. La lave en fusion est entrée en contact avec de l’eau. Chauffée l’eau finit par se transformer en vapeur qui est bloquée à la base de la coulée. Ces bulles de gaz finissent par être englobées dans la lave et cela forme des structures bulleuses: les lithophyses.

L’histoire ne s’arrête pas là. Une fois piégée la vapeur va redonner de l’eau en se refroidissant. Cette eau riche en silice va permettre au quartz de cristalliser.

Et les billes rouges?

Comme je disais, il serait plus judicieux de parler de bulles. Car dans le liquide, il reste du gaz qui fait des bulles. Autour de ces bulles s’agrègent des oxydes de fer (de la rouille si on veut) qui donne cette coloration rouge et de l’argile. Quand le quartz cristallise à partir de la silice contenue dans le liquide, il incorpore les bulles jusqu’à les englober. Seulement quand toute la silice contenue dans le liquide est consommée, le quartz ne peut plus croître et des bulles restent en partie hors du cristal formé. Quand le liquide fini par s’échapper de la lithophyse, les bulles crèvent… Les bulles entières contiennent un gaz formé au moment où la lave s’est épanchée, il y a 270 millions d’années.

Voilà l’histoire que je peux lire quand j’ouvre ce caillou qu’on appelle lithophyse. Mais c’est mon histoire, et quelqu’un d’autre va lire autre chose et avoir une autre interprétation, c’est l’intérêt de la chose: lire un livre qui dit la même chose mais qui peut s’interpréter de plusieurs manières.

Mais si les lithophyses se forment au contact de l’eau d’où vient-elle? Il y avait déjà la mer?

Non c’était un lac. qui a occupé l’Ouest de l’Esterel au nord d’Agay. D’ailleurs en voici la carte

Représentation sur la géographie actuelle du lac Permien de l'Esterel - d'après Boucarut 1971
Représentation sur la géographie actuelle du lac Permien (-270 millions d’années) de l’Esterel – d’après Boucarut 1971

Toute une histoire pour un petit caillou! D’autres histoires bientôt à suivre ici


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